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Nathalie bouquine

La rigueur, moi ça me gâche le plaisir de la lecture, je préfère me laisser porter de page en page et de livre en livre. Holden, mon frère-Fanny Chiarello

Mr Gwyn-Alessandro Baricco

Mr Gwyn-Alessandro Baricco

Jasper Gwyn expliqua que ce projet d'écrire des portraits l'attirait parce qu'il mettait son talent à l'épreuve. il se rendait compte du caractère absurde des prémices, mais c'était justement ce qui lui plaisait, dans l'idée que si on retirait à l'écriture sa finalité naturelle du roman, quelque chose se produirait, un instinct de survie, un sursaut quelque chose. Il ajouta que ce serait le fruit imprévisible d'un rituel intime et privé, non destiné à remonter à l surface du monde, échappant par là aux malheurs qu'il avait subis dans sa carrière d'écrivain. En effet, conclut-il, nous parlons d'un autre métier. Un intitulé possible serait : copiste.

Cet extrait résume bien ce roman Mr Gwyn, j'ajouterai quelques détails, Jasper Gwyn est un écrivain British (un brin flegmatique), à la plume élégante, et qui décide tout simplement d'arrêter l'écriture (décision prise au cours d'une promenade dans Regent's park publiée dans un article du Guardian en bonne et due forme, non, non ,ce n'est pas un plan média pour augmenter ses ventes de livres) au grand désespoir de son meilleur ami Tom, également son éditeur (pas mal la relation entre ces deux là, Tom sait toujours trouver Jasper)

Oui, le projet de Mister Gwyn est sérieux, il ne veut plus écrire une ligne (bizarre pour un écrivain le croit-on? Moi je n'y ai pas cru ...) et veut se consacrer aux autres, aux gens et "ecrire" leur portrait dans les règles de l'art. Une simple annonce Ecrivain exécute portraits et les séances de poses intimistes dénudées débutent, dans son atelier de Marylebone, et si possible dans un silence absolu, quatre heures de poses chaque jours durant 30 jours sous un éclairage adapté (18 ampoules Catherine de Médicis disponibles chez le petit vieux de Camden Town), il s'improvise copiste, d'abord avec la jeune et frivole Rebecca.

En tirant le portrait de Mr Gwyn, Alessandro Baricco dévoile "ses ficelles" de l'écriture, avec beaucoup de légèreté, de délicatesse, d'imprévu car si Mr Gwyn n'est pas Charles Dickens, ni Thomas Hardy, il a le sens de l'observation, de l'intrigue, de la mise en scène comme au théâtre, l'art de combler le vide, de le rendre vivant. Les personnages sont croqués avec beaucoup de subtilité, entre l'éditeur et sa femmes, ses modèles, le petit artisan fabriquant d'ampoule je me suis piquée au jeu de ces portraits souvent farfelus, j'ai apprécié le glissement de personnages, lorsque Mr Gwyn s'efface pour Rébecca.

Un roman réussi, (je n'avais pas vraiment accroché à Emmaus et Soie, Baricco est un conteur et je ne l'avais pas banni de mes choix de lectures, et j'en suis bien contente) ou ce qui compte n'est pas tant le talent littéraire mais bien ce qu'on en fait, quelques très bons passages à lire sur le rapport à l'autre, et le lien avec l'artiste, un moment virtuel ???

Rebecca mesura quelle distance on est parfois amené à parcourir , et, combien sont mystérieux les chemins de l'expérience, qui peuvent un jour vous faire asseoir sur une chaise, nue, et vous soumettre au regard d'un homme, qui a trimbalé sa folie pendant de longues années, jusqu'à lui donner un sens, un refuge pour lui et pour vous. Il lui vint à l'esprit que chaque page qu'elle avait lue de de cet homme constituait un refuge, et qu'au fond rien ne s'était passé, depuis lors, absolument rien.

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K
Existe à la bibli, mais en italien... Dommage!
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