La rigueur, moi ça me gâche le plaisir de la lecture, je préfère me laisser porter de page en page et de livre en livre. Holden, mon frère-Fanny Chiarello
24 Septembre 2010
Bien après le débarquement en Normandie en 1944 , et la libération de Paris en Aout des trains de
déportés ont continué à circuler vers l'allemagne nazie depuis la France.
Le 2 Juillet 1944 un train part de Compiègne pour Dachau. C'est un wagon de 2166 hommes, arrêtés par la police, des résistants, des collaborateurs ou des gens au mauvais endroit au mauvais moment.
Ce convoi composé de 22 wagons (100 hommes par wagon), mis 3 jours pour arriver à Dachau au lieu d'une journée, et dans des conditions méterologiques caniculaires. A l'arrivée 1630 rescapés.
Voici l'Histoire du voyage dans ce train, raconté par l'un des voyageurs un jeune homme de presque 22 ans. Il aura 22 ans le 4 Juillet 1944, un Français, dont la famille a été déportée quelques mois avant lui, jeune, célibataire, résistant, puceau il a été arrêté à Paris par les nazis.
L'auteur fait ce choix de nous raconter l'histoire dans l'Histoire, le hasard a voulu qu'il soit associé à cet évènement par un proche. Ce qu'il nous raconte est un roman. Il s'est documenté, enquêté, lu et il fait référence à ce livre de témoignages "Le train de l'enfer" de Bernadac
Commentaire d'Arnaud Rykner en préface"Mais même en sachant ce que je savais, en lisant ce que j'avais lu, je ne pouvais que mentir. L'inimaginable doit être imaginé. Là aucune image ne peut se former, il faut former une image. Une image injuste. Alors tout ce qui est raconté est faux. Ce n'est pas un d'Histoire. L'Histoire est bien pire. Iréelle. Ceci est un roman."
C'est à moi de témoigner de cette lecture, je n'accomplis pas mon devoir de mémoire cher à notre Président actuel. Je suis très marquée par ce pan de l'histoire, si proche de nous et mon arrière grand-mère m'a souvent évoqué cette période de 39-45.
J'ai lu C'est un homme de Primo Levi, Bernadac Le camp de Ravensbruck, Sonderkommando, Une vie de Simone Veil et d'autres livres sont en attente de lecture Dora, Noirs dans les camps nazis, et Jorge Semprun. Vos suggestions sont bienvenues.
Et depuis les bienveillantes de Littel, des romans c'est à dire des fictions nous amènent autrement à voir ces évènements. (Je cite Littel mais bien avant il y a eu la Liste de Schindler et surement d'autres romans non médiatisés).
La lecture du Wagon fût riche d'apprentissage, l'instinct ou la chance de survivre, vivre quelques secondes, quelques heures de plus, tout en sachant que la mort sera l'ultime étape.
Vous n'apprendrez rien de plus sur les conditions insalubres de ces voyages organisés pour les déportés, acheminés comme des bêtes au crématoire.
Les déportés se deshumanisent, privés de nourriture,d'eau et de lien affectif épuisement physique et moral et certains sombrent dans la folie, certains arrivent à se suicider en s'étouffant avec une boulette de mie de pain, pour échapper à cet enfer terrestre.
Juillet 1944 est un été chaud et les températures grimpent et la soif tenaillent, l'eau est inaccessible et lorsque des hommes qui regardent passer ses trains le long des voies leur lancent des seaux d'eau, ces quelques gouttes d'eau deviennent le vrai supplice de tantale.
Puis il y a ce passage de folie collective, enfermés dans les wagons sans circulation d'air, la chaleur torride et la soif agissent sur des corps fatigués, les courageux creusent le plancher du wagon pour créer des arrivées d'air et là la cocotte minute explose les déportés essaient de survivre pour respirer, et là c'est le talent de L'AUTEUR qui opère, car je n'ai pu que l'imaginer ce moment (car difficile de décrire la justesse de l'évenement)
...à l'issue de ce moment, les vivants se comptent...ils sont 63 dans le wagon. Les morts sont empilés et l'odeur de charognes accompagnera ce train, obligeant les hommes, femmes, enfants le long des voies de chemin de fer à se mettre un mouchoir sur le nez lorsqu'ils croiseront sa route.
Je vais m'arrêter là, c'est le premier jour et le train n'atteindra Bar le Duc que le lendemain. Un endroit clef.
Je souligne le talent d'Arnaud Rykner à travers son jeune narrateur se nommant Vilar ou Weissman, c'est juste 3 jours dans la vie d'une personne et les 3 derniers jours de sa vie peut etre, un guide de survie face à la mort, le renoncement est exprimé avec humilité, les liens avec autrui sont emprunts de respect, il reste altruiste face aux morts , les moments de rebellion existent et sont vite abandonnés et il cherche un sens à cette déportationcar avant tout il reste humain.
Il prie Dieu et espère lorsque le train s'arrête à Révigny "Je retiens le nom du village inscrit sur la maison de la garde barrière : Révigny il y a Rêve
Face à ses bourreaux d'allemands je cite : "Tout est bien organisé, tout est allemand."
Et dans ces moments ultimes de détresse, autre idée qui m'a marquée : les déportés se mettent à calculer la vitesse du train sans moyen précis d'évaluer le temps et la distance, pour connaître précisemment à quel moment ils vont passer la frontière et quitter leur pays la France.
Je pourrais continuer à vous abreuver de mes impressions et extraits de ce roman. Si le sujet vous intéresse, ce roman est en bonne place. Il donne une réponse partielle à Pourquoi ça? Comment est ce possible ? Quelle limite à ces processus ?
Je terminerais en insistant sur ce détail : dans ce train étaient déportés des Français, et les Allemands les considéraient comme des Juifs, bref nos ancêtres grand-parents, arrières grands-parents auraient pu être dans ce train et ont subi le même traitement : ce qu'on appelle la solution finale.
Merci à Arnaud Rykner pour son travail d'écrivain, merci aux Editions du Rouergue et notre partenaire BABELIO masse critique.
Challenge ABC/ lettre
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