7 Novembre 2010
Roman trop médiatisé pour cette rentrée littéraire (il est séléctionné pour plusieurs prix littéraires), ce qui peut induire parfois le doute dans mon esprit de lectrice. Mon libraire ayant lui aussi un avis mitigé et peu de bloggueurs en parle. De quoi reculer ?
Et une simple rencontre avec l'auteur Maylis de Kerangal en Septembre dernier lors du Livre sur la place à Nancy m'a convaincu de le lire. Mon enthousisame de lectrice ne sera pas naif, lisez ce roman et donnez votre avis.
Le style de Maylis est indéniable, il est tranché, vif, incisif, parfois si brut, livré en l'état cela rend la lecture difficile pas facile à suivre, il faut revenir sur ses pas sans contraintes (pas grave le temps passe si vite) ... et surtout il y a bien longtemps que je n'avais pas été confrontée à l'épreuve du dictionnaire, et oui obligée de chercher quelques définitions.
Ce roman décrit la construction ou génèse d'un pont, et le personnage principal est le pont, sujet captivant ??? car il y a une vie avant et après le pont. Le chantier va s'implanter sur les 2 rives du fleuve. Vous apprendrez bien des choses, sur les excavatrices, la fabrication et le coulage du béton, sur l'édification des tours, sur les hommes grenouilles qui préparent les fondations au fond du fleuve, la géologie. Car c'est un metier de construire nécessitant la mise en oeuvre de diverses technicités. Et ca peut être beau ...
Coca, de nos jours, une ville sur la côte ouest des Etats-Unis, John Johnson dit Le Boa, maire veut unifier sa ville implantée le long d'un fleuve, il veut unifier symboliquement Coca, son centre résidentiel et Edgefront (quartier plus populaire où résident les classes sociales moins favorisés).
C'est la société Heracles, société implantée en France qui gagne ce marché. Elle choisit Georges Diderot pour diriger la construction de ce pont, un vrai bridgeman (ingenieur des ponts) c'est son dernier chantier. C'est un homme de terrain, loin des grandes écoles il ne sort pas de l'école des mines ou d'X et ses méthodes de travail sont basées sur son expérience.
La construction de ce pont va réunir à Coca, des travailleurs ; un vrai marché de l'emploi international.
Les habitants du cru vont bénéficier en priorité de cet afflux d'emploi dont Katherine Thoreau, mère de 3 enfants dont le mari est handicapé et qui doit travailler sur ce chantier pour subvenir à sa petite famille. Et d'autres manoeuvres venus des autres états américains, et continents comme Mo yun (chinois) complètetont les besoins de main d'oeuvre.
D'autres interviennent de manière plus qualifiée, comme Summer Diamantis, ingenieur de la fabrication du béton, surnommée Miss Béton deuxieme touche féminine de ce roman elle produira les tonnes de béton nécessaire à l'approvisionnement du chantier. Sanche Carmeron, lui est le conducteur de grues superviseur lors de la construction des tours.
Et enfin les vrais défenseurs de la nature comme Jacob, qui agissent vraiment contrairement aux lobbying écologique.
Je n'ai jamais été lassée des explications techniques apportées à profusion dans ce roman, précisions techniques et professionnelles sur la gestion d'un chantier. C'est rare d'aborder ce secteur professionnel du batiment, le sujet n'est pas attractif et toute l'intrigue repose sur la progression de la construction. Les personnages restant secondaires
La dimension sociale est forte aussi la précarité du chantier liée à la précarité de l'existence des personnages. Car même si le pont va amener le changement, sa durée de construction ne sera qu'éphémère.
Là aussi les conditions de travail sont au coeur du débat, la sécurité sur le chantier en cas de non respect des règles de sécurité c'est le licenciement, cadences s'accélérant pour tenir les délais, les conditions météorologiques, les salariés devront se battent pour obtenir des primes (pas de syndicats).
Rien n'est laissé de coté dans l'intrigue : des réfractaires vont tenter de s'interposer à l'édification du pont. Le chantier sera arrete 3 semaines à cause de la nidification des oiseaux, et tentative de sabotage.
C'est un roman actuel et minéral, dont la toile de fond est rude, et pourtant ce roman, à l'écriture directe abordent la précarité du tràvail (là ou il est difficile de refuser l'emploi) et l'urbanisation à outrance - Qui causent des ravages dans l'existence des personnages et des indiens autochtones habitant la forêt de Coca, tous sacrifient un pan de leur vie personnelle pour l'édification de ce pont.
Maylis de Kerangal aborde habilement ce monde des chantiers de construction, assez hermétique pour ceux qui n'y travaillent pas. Elle combine toute une reflexion sur le capitalisme et ses dommages co latéraux sur les hommes et la nature, l'environnement. Toute en finesse dans sa manière d'aborder la contestation. Ca change un peu!